Violences médicales
J'ai longuement hésité avant d'écrire cet article.
Mais voilà, ça me reste dans la tête, me hante et ne me quitte pas : j'ai subi des violences médicales.
Il y a 20 ans ? 10 ans ? Non non : cette semaine.
Et je ne m'en remets pas.
Par un homme extrêmement gentil en plus. Inconscient du mal fait ? Habitude ?
Je ne saurais pas le dire.
ça existe encore.
Ma santé déclinant vitesse grand V, j'ai dû faire quelques passages aux urgences. Endoconnasse est de retour. Et ne me laisse plus de répit. Elle est accompagnée de sa grande copine morphine....
Donc j'ai recommencé la valse des examens.
Après un scanner très douloureux, et au verdict inquiétant : "col de l'utérus volumineux et irrégulier", je me suis retrouvée (encore) aux urgences.
Sentiment de l'imposteur.
Est-ce que je ne prends pas la place de quelqu'un d'autre ?
Mais est-ce que je peux rester avec cette souffrance quotidienne ? Non.
Et pourtant.
Recroquevillée sur une chaise, j'ai attendu.
J'ai payé mon passage. Cash. Inhumain.
ça existe encore.
Le médecin a souhaité "voir" l'aspect de mon col, voir s'il avait un aspect tumoral, suspect au scanner. OK. Donc spéculum. Ok. Examen à réaliser sur un ventre en feu. Bon.
Spéculum enfoncé à vif. Sans prévenir. Sans douceur. J'ai pensé immédiatement "mais les bords sont des lames ? Pourquoi ça fait si mal ? il va me couper l'intérieur ! c'est horrible cette douleur !"
J'ai dit que ça faisait très mal. Il a continué "il faut bien qu'on soit fixé"
Ah....
ça existe encore.
Ensuite il a enfoncé davantage, cherchant à "voir" le fond du col. J'étais tétanisée sur la table d'examen, plus de couleur, d'ailleurs je n'étais plus là. C'est fou la capacité du cerveau à se couper d'une réalité abominable. A partir ailleurs, dehors, s'envoler. J'ai pensé à une belle sortie dans les îles de Tahiti, où j'étais restée regarder les raies léopards voler, majestueuses.....j'étais loin.
Et c'était fini ?
Non, il a cherché à "reproduire la douleur que je ressentais".
Doucement, je lui ai dit que ce n'était pas nécessaire puisque j'avais mal en permanence.
Je n'ai pas eu le choix.
ça existe encore.
Je vais vous parler de mes sensations, qui ne sont probalement pas son geste, mais ce que j'ai ressenti : un poing enfoncé à l'intérieur, et l'autre main qui appuie fortement sur les deux côtés de mon ventre, pour "reproduire la douleur des ligaments utéro-sacrés".
Je me suis mordue la joue.
Pourquoi je n'ai pas hurlé ? Pourquoi je ne suis pas partie en courant ? Pourquoi ?
Parce que j'avais espoir que cet homme me dise "vous avez ça, on a trouvé, on va avoir la solution". C'est tout. Voilà pourquoi je suis restée.
Il a confirmé son diagnostic : les ligaments utéro-sacrés sont touchés. Il va falloir opérer. Mais c'est risqué. De même qu'il va falloir enlever le col, mais c'est risqué puisqu'il est collé, imbriqué dans ma vessie.
Sauf avec un interrogatoire correct, il aurait probablement eu la même conclusion.
Attention, je ne l'accuse pas LUI. Ce que je regrette, ce sont ces pratiques d'un autre âge, d'une autre époque, absolument inhumaines et donnant lieu à des souffrances que personne ne peut imaginer....en 2021.
Je suis SORTIE DE MON CORPS pour ne plus vivre cette douleur absurde qu'il voulait "voir".
ça existe encore.
Parce qu'après, et c'est là le plus terrible au fond, il a été d'une gentillesse réelle. Il m'a aidée à me relever, il a cherché des solutions, il m'a accompagnée, vraiment.
Mais ces pratiques violentes n'ont pas lieu d'exister. ça me reste dans la tête, j'y pense tout le temps depuis. C'était inhumain et non fondé.
Je suis sortie sonnée, ébétée, incapable de parler. Je voulais que quelqu'un me prenne dans ses bras et en même temps que personne ne me touche. Je sais qu'au fond, tout cela aidera pour l'opération à venir, mais je sais aussi qu'il y avait forcément des tas d'autres solutions, des tas d'autres façons de procéder.
Preuve de ces méthodes violentes : j'ai des bleus .....
ça existe encore
Et comment, et à qui en parler ?
Je n'écris pas pour faire justice, pour dénoncer un homme. Mais pour dire que le combat de Martin Winckler et Baptiste Beaulieu contre les violences médicales ont encore de beaux jours devant eux.
ça existe encore.
ça existe encore.
Cette violence, cette inhumanité, ça existe encore.
J'ai d'autres examens à passer. Je ne ferai plus confiance au corps médical. Je n'irai pas détendue. Je risque même d'avoir envie de baffer la première personne qui me dira de me détendre, d'arrêter de stresser. Et comment réagir autrement ?
ça existe encore.
Son poing enfoncé. Son autre main appuyant à fond sur mon ventre.
ça existe encore.
Je n'ai pu en parler à personne. Non pas que j'ai honte. Quoique, je me veux de ne pas être partie, de ne pas avoir crié. Mais je voulais qu'il m'aide, qu'il trouve une solution à ces douleurs qui me rongent depuis mi-janvier. A cette dégringolade que je ne maîtrise plus et qui impacte ma vie entière.
Fallait-il vraiment un tel examen pour être sûr que les ligaments étaient enflammés par l'endométriose ? Je suis persuadée que non.
ça existe encore.
Je n'irai pas la tête haute à l'IRM, parce que j'aurai la peur au ventre. Et avec raison.
Et aucune, aucune solution pour que cela se passe sereinement, parce qu'à présent je sais, et de façon sûre, que ça existe encore.